Yanlord Kingdom : la maison, la piscine, ma life

L’image d’une maison-cocon, un intérieur chaud, dans lequel on a hâte de se lover après une journée de travail (Grand Arbre) ou de ne jamais quitter (moi) tant l’invitation à la glande rêverie est irrésistible… Fumer, se délasser, blablater, (ne pas faire la vaisselle, ne pas préparer à manger, ne pas mettre la table), s’étendre de tout son long sur un sofa interminable dans une atmosphère aux notes opiacées vaporeuses… Voilà ce à quoi je pense lorsqu’un dimanche (jour de prédilection pour ce genre de fantasme), le chauffage claque dans l’appart alors qu’il fait -10 degrés dehors.

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Quand soudain, la réalité. (Même fumer devient imaginaire)

Grand Arbre et moi ne vivons donc pas dans une fumerie d’opium orientale, mais dans un squat chinois. Seul le canapé couleur pas-de-couleur et les chinoiseries accrochées au mur peuvent éventuellement donner un indice sur notre localisation géographique. Oui j’exagère, et non le salon ne ressemble pas toujours à ça (Grand Arbre non plus, soit dit en passant), mais c’était un dimanche spécial, peu de temps après notre arrivée, quand tu comprends que ça va être compliqué : de trouver la bonne personne qui puisse t’aider, de trouver la bonne personne qui puisse  t’aider et qui bafouillote un peu d’anglais, la bonne personne qui puisse t’aider, qui bafouillote autre chose que du chinois et qui soit dispo le dimanche. Vu l’ampleur de la mission, on comprend tout à fait la réaction (vive, voir la photo prise à son insu) de Grand Arbre. Bref, on s’en est quand même sorti (les températures sont devenues plus clémentes… le chauffage s’est donc dégelé, et tout est rentré dans l’ordre). Pour l’anecdote (et oui, toujours et encore), ce que les Chinois appellent « chauffage », n’est une fois de plus pas ce que nous considérons comme un chauffage. C’est une sorte de soufflerie (qui fait un boucan du diable), qui souffle, donc, à l’intérieur de l’appart, de l’air chaud ou froid, qui donne donc mal à la tête et à la gorge (la fumerie d’opium aurait-elle été une meilleure option finalement?)  et dont le système est installé à l’extérieur. Quelle ingéniosité. Evidemment lorsqu’il gèle… ben le système soufflant aussi. Pour que le chauffage fonctionne, il faut donc qu’il fasse bon (oui, vous me suivez, ça vous donne une petite idée de la logique chinoise. Peut-être l’origine du casse-tête chinois vient elle de ce genre de philosophie incompréhensible pour un non-chinois, mais je me disperse). En tous ca ici, tout le monde a trouvé ça absolument normal.
« Gel = pas de chauffage = attend le printemps, tu auras du chauffage ». On s’est donc enfermés dans les toilettes avec le minuscule ventilateur-souffleur-de-chaud de secours qu’un gentil chinois (oui on l’a payé) nous a apporté, en attendant le printemps, histoire de ne perdre un orteil.

Perchée au 19ème étage d’un donjon d’une tour, la maison surplombe d’un côté la rivière (enfin vu la taille, je dirai que c’est plutôt la mer) et de l’autre, notre royaume le compound : Yanlord Garden, de son nom. Charmant quartier résidentiel dans lequel cohabitent chinois et non-chinois, offrant épicerie, bibliothèque, salle de sport, verdure, chants d’oiseaux, terrain de tennis, et piscines (oui, au pluriel).

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Ouais, c’est haut
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Le chinois chinoise
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Les chinoises aussi
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Noirs, blancs… nous jouons tous ensemble. C’est bonne ambiance à Yanlord.
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Le soir c’est un peu Miami (prononcer Maillemi)

Tout le monde s’entend bien, les chinois jouent au Babington (ils adorent), les expats, eux, ne trouvent aucun intérêt à ce sport et jouent au tennis (considéré par les chinois comme un sport qui n’a aucun intérêt). Nous vivons donc en paix. Tous les matins j’élabore stratégiquement mon programme de la journée sur la terrasse (j’essaie d’anticiper les éventuelles luttes, mais j’ai depuis arrêté, c’est inutile: en Chine, je lutte. Je vis avec. Mon âme grandit.)

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Merci à Anne Rouletabille pour avoir pensé à m’offrir ce guide de survie avant mon départ

Venons-en directement à l’élément essentiel de ma vie des mes journées : la piscine.

L’ensemble de mes (nombreuses) activités journalières* s’organise autour du moment où je vais à la piscine. Car ce n’est pas une simple piscine, c’est ce qu’on appelle un super plan : gratuite, déserte, lumineuse… et surtout dotée d’un hammam, d’un sauna, d’une salle de massages et de tout un matos de crèmes et accessoires divers (sèche-cheveux, cotons tiges, pleins d’autres trucs GRATUITS ET QUE LES GENS NE VOLENT PAS). Il y a même un micro-onde (non, je ne sais pourquoi. Oui, peut-être pour réchauffer ta part de tartiflette en sortant de l’eau. Tout est possible. « Le chinois est chelou, mais gentil…mais chelou » pour m’auto-citer, une fois de plus). Bref, c’est une piscine tunnée, dans laquelle les rares personnes qui la fréquentent, vivent leur vie (« le chinois s’en fout », rappelez-vous), nus (dans l’espace spa seulement hein, le chinois n’est pas orgiaque), déambulant l’air blasé entre les diverses « activités » du spa. Les multiples employées s’inventent trouvent aussi des occupations : trois ou quatre dames  à l’accueil en heure de pointe, c’est à dire lorsque l’on est plus de deux clients, environ le même nombre à l’intérieur des vestiaires (vérifier les lavabos après chaque utilisation (deux, en moyenne, donc), racler la moindre trace d’eau, faire beaucoup beaucoup d’aller retour entre chaque spot d’activité. Et tchatcher avec les clientes quand il y en a. J’ai essayé aussi, ça n’a pas bien marché (j’ai essayé d’expliquer dans un sino-anglais pitoyable que non, je n’allais pas nager, mais juste au hammam. Bon, elle n’a pas compris, je n’ai pas compris, personne n’a rien compris. Depuis, je garde le silence et j’observe). En gros, une dizaine d’employées te sont dévouées (à toi et tes traces). Le Chinois a le sens du service, c’est un fait.
Le lieu est donc impeccable, il (le Chinois) t’ignore, parce que c’est ainsi, les expats quand il y en a, t’ignorent, parce que c’est ainsi, et les dames de la piscine s’affairent activement à leurs nombreuses tâches. Passé donc le comptoir de l’accueil, qui se résume depuis les tentatives de tchatches ratées, à
 » – souimmine? [demande fermement la dame de l’accueil]
-[signe de tête de ma part],
je suis mon programme établi**: hammam, douche froide, re-hammam, puis piscine (puis bis repetita jusqu’à temps que ma peau se frippe intégralement). Toujours aussi la tentative (c’est un rituel) de traverser avec le moins de pas possible le trou d’eau de pluie glacée qui sert de pédiluve.

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Les dames de la piscine, riant avant mon arrivée
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Four à micro-ondes, matos et chinoise (non elle n’est pas nue)
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Obstacle avant pied total
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Pied total

L’autoroute du plaisir, comme diraient certains. Soleil et solitude, la rêverie ne se fera pas dans des volutes de fumées mais flottant et virevoltant dans une onde artificielle. Ma deuxième maison.
Enfin, bien sûr, le rêve a pris fin. Evidemment. Le ciel s’est terni (métaphore pour exprimer le fait que c’est la faute d’un chinois. Qui s’est pointé dans mon rêve, mon autoroute, ma maison, mon soleil, mes volutes et qui a tout foutu en l’air). Qu’on s’entende. Pas juste parce qu’il est venu nager en même temps que moi (même si, bon, c’était mieux seule), non. Pas que. Il s’est pointé, bonnet de bain et lunettes ajustés, et a plongé, enfin j’appellerais plutôt ça un plat-bombe (Maître ès piscine que je suis).

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Non ce ne sont pas des robes d’été, mais les maillots de bains chinois (pour les meufs). C’est pour donner une idée du bonnet de bain et des lunettes du mec briseur de rêve, de sa dégaine quoi

Tandis que je faisais la planche en rêvassant donc (je philosophais sur « ma vie est trop cool »), le fashion chinois s’est brusquement arrêté au bord du bassin, et s’est mis, sous mon regard médusé, à se racler la gorge, profondément, longuement, à plusieurs reprises (je m’étais arrêté de respirer, assaillie par le doute : « non, il ne va pas le faire, non ».  Tout en moi en crier silencieusement NON! NON.). Et bien SI. Le Chinois, être cracheur autant qu’il est rieur, a craché. Dans l’eau. Un gros truc bien dégueu, avec un bel écho et tout. Avec style quoi (j’en reparlerai dans mon futur post sur le style et la mode chinoise -peut-on appeler ça comme ça… Pas sur. Il faudrait inventer un vocabulaire spécifique pour parler des Chinois). Puis, scrutant son œuvre d’art, il a vaguement ébroué la surface de l’eau, genre je nettoie : soit il voulait démultiplier le truc et faire plein de petites œuvres morvesques, soit il voulait écarter le truc énorme de lui… Bref, je crois que je ne suis jamais sortie aussi vite d’un bassin. Il m’a fallu un quart de seconde pour m’auto-extraire  de l’eau, de peur que les bébés glaviots ne m’atteignent. Evidemment, le regard noir, rempli de dégoût et de colère envers le glavioteur n’a eu absolument aucun effet sur lui, et lui a continuer à patauger tranquille le chat dans la piscine, dorénavant à lui seul.
Tandis que je me rhabillais, des questions se sont mis à tourbillonnées dans mon esprit : Est-il le seul à cracher dans l’eau? Combien de crachats contient la piscine par rapport à la quantité d’eau ? de Chlore? Y-a-t-il du Chlore?

Ce jour là, pour me détendre (les bienfaits de l’eau s’étant transformés en rage, profond dégoût et envie de crier), j’ai trouvé une autre addiction (non, toujours pas l’opium) : le red bean stuffed bun. Oui c’est chelou (c’est chinois), mais c’est une tuerie. Et ça sera dûment explicité, critiqué, décortiqué, dans le fameux post à venir, celui que tout le monde attend, celui sur LA BOUFFE.

PS : Pour ceux qui ne le sauraient pas, cracher pour un chinois est une habitude. C’est culturel, et très ancré. Oui, la culture a souvent bon dos. Je pense que l’expression « Cracher comme un chinois » existe. Bonheur.

*Ecrire ce blog et aller à la piscine (en gros, littérature et sport)
**Merci à Anne Rouletabille sans laquelle ce programme bien-être n’aurait sans doute pas existé.

Auteur : Caroline Boudehen

Journalist, writer & reporter (Asia)

Un commentaire

  1. Hahaha ! Je comprends ton dégout, mais depuis que je suis allée à la piscine avec mes propres – et par la justement je n’entends pas respect des règles d’hygiène, mais seulement ascendance génétique – enfants et surtout avec des scolaires (une classe entière, une heure dans l’eau, pas un qui demande pour aller faire pipi : louche), je comprends mieux pourquoi le chlore… 😉

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