
Xinnian Kuaile ! Cette nouvelle année lunaire se place sous le signe du Chien (comme vous devez tous à peu près le savoir, tant les célébrations du Nouvel An chinois se popularisent à travers le monde entier – et plus globalement, qu’il est difficile d’échapper à la Chine). L’année du Chien est sans aucun doute l’année royale de la ménagerie zodiacale chinoise, puisque c’est celle du Prince William, de Michael Jackson et de moi-même. Je ne vous cacherai pas que c’est également celle de Donald Trump… un fait que je préfère interpréter comme l’exception qui confirme la règle, plutôt que le cheveu sur la soupe.
Dans le débat qui sépare l’humanité en deux camps: celui des « plutôt chats » et des « plutôt chiens », je me place dans le premier. Non, je n’aime pas beaucoup les chiens. Un peu niais, qui gueulent sans raison la plupart du temps et qui ont un besoin viscéral d’être au centre des attentions (Hi Donald!). Apprendre que j’étais Chien m’a donc fait plutôt sourire et confirmé ce que je savais déjà depuis un certain temps, à savoir que les astres s’étaient pas mal plantés dans leurs prédictions concernant mon karma (et mon destin, et ma carrière, et mon compte en banque). Mais, cette année étant donc mon année, je me suis résolue à y voir un truc de bon augure, à y débusquer une dimension cosmique : chercher la part d’ésotérisme à être Chien dans l’année du Chien. D’une, je me suis dit chien + chien, ça s’annule, mais ça ne fera pas un chat, et de deux, les Chinois étant friands de symboles, l’année du signe à forcément un sens différent.
Et bien oui, en fait c’est une année malchanceuse. Voilà, à peine avais-je réussi à m’ambiancer, que la sentence est tombée. L’année de son propre signe est une mauvaise année pour soi.
Loin d’être étonnée, j’ai juste été un peu déçue. Pas de moon walk sur la Grande Muraille pour fêter le Nouvel An lunaire. Et (encore) une année de lutte qui s’annonce. De nature plutôt optimiste (sous certaines conditions), j’ai commencé à me convaincre qu’il allait falloir plus de ruse et d’obstination que d’habitude (est ce possible?)… jusqu’au moment où cherchant la lumière du savoir en scrollant mon écran lumineux, je suis tombée sur un article de TimeOut, qui livre à tous les Chiens de 2018, les clés magiques pour se prémunir de la malchance (porter ses sous-vêtements rouges, les couleurs « auspicieuses », les chiffres ou les dates à préférer, etc.). Tout n’est donc pas perdu, il est possible de contourner le mauvais œil de Pan Gu (et donc de maintenir les bonnes résolutions prises en répétant le moon walk dans le salon).
De plus il ne s’agit que d’une année, le reste du temps, le signe du Chien est apparemment un signe faste : fidèle, penseur constructif et efficace, mais aussi bagarreur et qui n’accepte pas les compromis. On peut résumer : unique et exigent. Vous me direz, pourquoi attacher autant d’importance à ces histoires de signe? Visiblement, si la question a effleuré ton esprit tout occidental, c’est que tu n’habites pas en Chine. Ici, on nage dans le symbole : on naît symbole, on vit symbole, on mange symbole… La Chine est le territoire de la poésie et des mystères (un vrai labyrinthe pour le cartésien, et un paradis pour les artistes). Tout y a un sens plus profond (ou complètement absurde, ça dépend de quel côté on préfère se tenir). Par exemple – pour rester dans le thème Nouvel An- les Chinois font le grand ménage pour commencer l’année d’un pied nouveau et pour se débarrasser des mauvaises influences passées: passer l’aspi, régler ses dettes, se réconcilier, etc. se métamorphosent en rituels bienfaisants, et ne stagnent pas dans leurs tristes sorts de contraintes-perpétuellement-procrastinées. Au repas du réveillon, on mangera forcément du poisson car l’homophone du poisson « yu » signifie « surplus ». D’ailleurs, certains préfèrent ne pas terminer leur assiette, pour être sur… de ne manquer de rien dans l’année à venir. On veille aussi le plus tard possible, gage de longévité, etc. etc. etc. Rien n’est laissé au hasard pendant cette transition lunaire… de même que nombre de rites et de superstitions sous tendent l’ensemble de la vie quotidienne. D’ailleurs, comme l’année du Chien est dite favorable (pour les non-chiens, on s’entend), et bien une affluence de mariages et de naissances est donc à prévoir. Et oui, les Chinois maîtrisent la com avec les esprits, ce qui en fait des logisticiens hors pairs.
Le Nouvel An du Chien c’est :
- Environ 3 milliards de personnes qui se déplacent en 40 jours (Selon « Le Vent de la Chine« )
- 4,43 millions de visiteurs à Shanghai, dont le quart dans 1 seule rue, East Nanjing Road (selon « Sina« )
- 688 millions de personnes qui ont utilisé WeChat pour envoyer et recevoir des « hongbaos ». Je traduis: Beaucoup de gens ont utilisé une application du futur pour transmettre de l’argent.
- 1 conclusion : Etre chien, c’est bien. Avoir du Chien, c’est mieux
De la même manière que Trump < Prince, tous les chiens ne sont pas Rantanplan. Je récuse le terme "niais". Pensons à Belle, Lassie, Rintintin et Mabrouk Junior. Georges Bichon, Martin Luther King Charles et Yves Berger des Pyrénées : autant d'illustres canidés. Mais peut-être qu'on ne peut pas comprendre ça à Shanghai. Il faut être pékinois.