Vivre en Chine, c’est un peu comme vivre une journée de Noel version illimitée. Sans pause. Chaque jour est une nouvelle célébration (de tout, donc de rien), chaque heure un nouveau spectacle. Chaque moment est un grand déballage – avec à la clé un cadeau réussi, ou pas – sans raison apparente, si ce n’est que la « vie est une fête ». En tous cas, l’effet de surprise vous garantit un quotidien hors du commun. Les petits riens de l’existence sont en Chine de l’ordre du spectaculaire, les choses se font en grand, ou ne se font pas…
Puisque le diable se cache dans les details, et les Chinois le savent, les dieux s’exhibent dans le gigantisme. CQFD.
Hors de question d’accorder trop de place et de temps à Lucifer, autant directement se concentrer sur son adversaire, beaucoup plus ambitieux, garant de grandes choses et dont les visions visent l’infini et au-delà. Et autant l’associer au plaisir, ca ne gâche rien. Et bien oui, on célèbre la grandeur mais on ne va pas s’ennuyer pour autant, les dieux chinois ne sont ni punisseurs ni vengeurs (sauf exception) et le plaisir n’est pas tabou.
En accord parfait avec l’ère actuelle du bling-bling, le mélange est effrayant détonnant. Quand on a les moyens de se faire plaisir, pourquoi lésiner? En avant toute sur l’autoroute du plaisir, le concept de disproportion n’étant connu que des rabats-joies (moi, les esthètes et Saint-Augustin). Et oui, finalement c’est juste une déformation oculaire ou de l’esprit (communément appelée -ailleurs- le bon sens, ou le bon goût, tout dépend à quoi on s’attaque)… Le fil rouge : on rassemble tout ce qu’on aime et on démultiplie, on grossit ce petit paquet tout emmêlé… parfois ca marche, et souvent non. Mais le Chinois n’est pas un être qui se décourage. Persévérance mon amour.
Le Chinois est hédoniste, en ça, il est proche du Romain : Puisque tout plaisir est bon à prendre, pourquoi choisir? Et qu’on ne vienne pas coller une mauvaise ambiance avec des histoires de tempérance, ce serait n’avoir rien compris au concept dudit plaisir. Mais aussi, ce serait contrarier le tempérament local : à savoir, faire plus et mieux que le reste de l’univers. Et oui, où boit-on du café au lait au concombre ailleurs qu’en Chine? Où manger une crêpaglace gauffrée avec l’ensemble du règne fruitier à l’intérieur? Où faire du poney sur un rooftop et du ski a l’étage du dessous?
Aegean Place à Shanghai: Poney Club sur le toit, snow park au 6ème étage
Le Chinois est passé maître-es PPB (Plaisir Power Bam), spécialité all inclusive. Et pas juste pour s’amuser, mais aussi pour exceller dans la matière, et être le meilleur, tout simplement. Pour faire la différence, et faire passer les latins et leur sens de la fête pour des petits joueurs.

Avec toujours un coup d’avance, le Chinois fait mouche à chaque fois. Son côté imprévisible y est aussi pour beaucoup hein, gap culturel oblige… Il est impossible de prévoir le moindre geste, la moindre chose ici, qu’on se le dise. Impossible. Impossible.
Bref… A Shanghai, les Chinois ont tout de même essayé de faire plaisir aux Français. On a en commun l’amour passionné et visceral voué à la bouffe (même si ce n’est pas la même). On aime le fromage et le chocolat? Pas de tergiversation, on aura un bar dédié à nos pêchés mignons. L’idée, c’est l’instantané, comme un orgasme multi-facettes. Dans son labo mental, le Chinois élabore des recettes, des solutions en kit, prêtes à être dégustées.

Le totem du tout-en-un? Le mall, évidemment, le milk-shake grandeur sinonature, une invention diabolicao-jouissive qui vous permet de vivre en autarcie, de vous laisser guider dans un monde synthétisé : étages gavés de restaurants, services mystérieux, kilomètres de supermarchés, salles de gym-musées-boutiques-salonsgenrelounge, et surtout, des sanctuaires à divertissements variés mais toujours sensationnels, que toi, petit occidental a l’esprit étriqué, n’aurait pas osé imaginé… Le tout imbriqué dans le même espace, pour être sûr que personne ne se triture l’esprit avec des choix à faire.
Non, on ne peut pas faire de surf chez Leclerc, oui, on peut faire du snowboard, aller boire une bière et se baigner dans des thermes romains en plein centre commercial à Shanghai.
Columbia Circle, à Shanghai: Encore en soft-opening, encore plus de surprises, du coup.
Le mall, c’est le nouvel art de vivre, et comme tout art contemporain, il est à tendance bizarre. Délirant dans le concept, géant dans la réalisation, surréaliste dans le quotidien.
Mais il faut bien le dire, c’est un peu ce grand n’importe quoi qui rend la Chine si fun à vivre. Son côté décomplexé, et qui, vaille que vaille, tient à conserver son statut de machine à fantasmes pour le reste du monde.
En avant toute et sans chichi, pourvu qu’on se marre!
[Image headline : Photo by Tian Weitao/Asianewsphoto]
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